Colloques et journées des CESU

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    01 Étude LEADERSHIP : Leadership En situAtion DE cRise Simulée cHez les étudiants paramédicaux, Influence de l’interProfessionnalité

    Jérôme MOLLE, Dr Marie-Annick HIDOUX, Bruno BELLET, Dominique LE ROY, Dr Caroline BOURGEOIS, Dr Chloé HUDSON, Dr Flora GRECO, Paul COLLIGNON, Giuseppe CACCIATORI, Nicolas PALANY, Christelle MERLE, Béatrice FANARI

    L’amélioration de la qualité des soins est un enjeu fort pour les établissements de santé. Les caractéristiques du leadership semblent être déterminantes en situation de gestion de crise. Traditionnellement endossé par le médecin, ce rôle de leader doit pouvoir être assuré par les paramédicaux dès leur sortie de formation initiale en raison des situations quotidiennes hors présence médicale. La simulation en santé est un outil de développement des compétences en plein essor. L’interprofessionnalité est une piste pour maximiser le développement des compétences collaboratives.

    Afin d’explorer l’influence de l’interprofessionnalité sur la prise de leadership lors d’une situation de crise simulée en équipe chez les étudiants paramédicaux, cette étude propose une comparaison entre un bras contrôle (monoprofessionnel) et un bras expérimental (interprofessionnel).

    Il s’agit d’une étude quantitative monocentrique contrôlée. Pour l’ensemble des bras, des situations de gestion de crise en équipe simulées ont été organisées lors de simulations en santé sur la prise en charge de l’arrêt cardiaque chez l’adulte. Les conditions étaient les mêmes pour le bras contrôle et le bras expérimental. Des outils d’observations standardisés ont permis de recueillir des données sur les compétences techniques, non techniques et sur le leadership.

    Les scores de leadership obtenus durant les séances de simulation en santé de gestion de crise en équipe étaient significativement plus importants dans les équipes d’étudiants en santé en situation d’interprofessionnalité comparé aux équipes monoprofessionnelles. L’authenticité de la contextualisation semble jouer un rôle majeur dans l’influence positive de l’interprofessionnalité sur la prise de leadership. De plus, il existe un effet de potentialisation avec une association positive entre les caractéristiques du leadership et les performances non techniques et techniques. Enfin, il existe une influence de l’interprofessionalité sur le transfert d’apprentissage à court terme avec une amélioration plus importante des performances entre le matin et l’après-midi.

    Pour conclure, le recours à la simulation interprofessionnelle en formation initiale infirmière et aide-soignante dans le développement des compétences en situation de gestion de crise en équipe représente une réelle plus-value. Une prochaine recherche pourrait explorer le versant followership qui représente une compétence complémentaire et synergique dans une équipe.

     

     

    02 Évaluation de la mémorisation en formation continue AFGSU par reprises expansées

    Philippe Chagneau, R. Blondet, E. Carrie, G. Blaquiere

    Introduction Les neurosciences tendent à démontrer que les reprises expansées optimisent la mémorisation des apprentissages. L’ancrage serait d’autant plus efficient lorsqu’il est associé à un questionnement actif. Un feedback lors de chaque répétition permettrait également de renforcer la rétention des informations.

    Méthodes Il s’agit d’une étude de cohorte, multicentrique, randomisée, anonyme, par questionnaire envoyé par courrier électronique. Le questionnaire reprenait différents modules de l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence (AFGSU). Le questionnaire a d’abord été distribué en présentiel, en pré et post-formation, puis envoyé par mail aux participants à des temps définis. Les résultats sont exprimés en pourcentage de bonnes réponses. Les données ont été colligées sur une période de 24 mois.

    Résultats Sur 797 personnes ayant répondu au questionnaire en présentiel en post-formation, 748 (93,8 %) ont donné leur accord pour poursuivre l’étude à distance. Le taux de bonnes réponses au questionnaire est de 44,8 % en pré-formation et de 80,6 % en post-formation. En distanciel, deux cohortes ont été formées, la première avec feedback, la seconde sans feedback. À un mois, 327 personnes (43,7 %) ayant donné leur accord ont répondu au questionnaire. Le taux de bonnes réponses avec et sans feedback étaient à un mois 81,9 % vs 81 %, à trois mois 83,1 % vs 76,2 %, à six mois 85 % vs 78,3 %, à 12 mois 83,2 % vs 75,1 %.

    Conclusion Cette étude montre que les reprises expansées avec feedback permettent probablement de renforcer la mémorisation des messages donnés en présentiel lors des formations GSU.

     

     

    03 Construction et transfert des apprentissages produits dans l’activité de formateur : le discours des formateurs aux gestes et soins d’urgence

    Dr Pierre CHESNEAU, Pr Richard WITTORSKI

    Dès leur création, les SAMU ont participé à l’enseignement de formations aux premiers secours. Le développement de cet enseignement a abouti à la reconnaissance des centres d’enseignement des soins d’urgence, les CESU. Ces structures délivrent les AFGSU qui sont des formations aux gestes et soins d’urgence, enseignées avec des méthodes pédagogiques actives de l’adulte, en lien avec les courants humanistes. Les formateurs CESU sont des soignants en exercice qui consacrent du temps à l’enseignement. Ils ont une double compétence : professionnel du soin et enseignant. Si être un professionnel de santé exerçant dans un service prenant en charge des urgences est un prérequis pour devenir formateur CESU, parce qu’il est admis que cela améliore la qualité de la formation, l’inverse est-il vrai ? Est-ce qu’être formateur CESU améliore les compétences de soignant ? Est-ce que le formateur développe des compétences qu’il réutilise dans l’activité de soin ?

    Pour répondre à cette question, nous avons mené une étude monocentrique. Cette étude est une enquête exploratoire basée sur des entretiens d’explicitation. Onze entretiens ont permis d’arriver au stade de saturation.

    Les formateurs interrogés ont décrit des transferts de l’activité de formateur vers l’activité de soignant. Enseigner les soins d’urgence renforce, chez ces soignants, le sentiment d’efficacité personnelle, ce qui les conduit à avoir une perception de compétence. Ils ont développé une pratique réflexive, qui leur devient habituelle et qu’ils mettent en œuvre dans leurs prises en charge. Ils ont pris conscience de l’importance du langage et ont modifié leur manière de communiquer. Les formateurs développent aussi une compétence sociale et une prise d’assurance qui les poussent à intervenir lors des prises en charge de patients. Ces apprentissages construits dans leur activité de formation sont mis en œuvre, transférés de manière bénéfique dans leur activité de soins. Être formateur CESU identifie fortement ces professionnels dans leur double identité : soin et enseignement.

    Introduction Les CESU délivrent des formations en lien avec l’urgence. Réglementairement, les formateurs affectés au CESU gardent une activité clinique. Cette activité dans les services de soin permet aux formateurs d’enseigner ce qu’ils continuent à pratiquer. Une question se pose: est-ce que l’activité de formateur a des conséquences sur l’activité de soin ?

    Méthodologie Le but de l’étude est de faire émerger ce que les formateurs pensent avoir acquis par l’activité de formateur et transféré dans leur activité de soignant. Cette étude se situe dans une optique exploratoire car il n’y a pas encore d’hypothèse structurée sur un transfert de compétence d’une activité de formation vers une activité de soin. La méthode qualitative retenue est donc celle d’un interrogatoire non directif. Il est attendu qu’à partir de ces entretiens, les compétences acquises dans l’action de formation émergeront et seront identifiées. Cette recherche est menée par le responsable du CESU, qui a participé à la formation des formateurs, ce qui peut constituer un biais. L’enquêteur a forcément des hypothèses personnelles. Cependant, une attention particulière a été portée afin d’éviter d’inspirer des réponses. La relation entre les formateurs interrogés et le chercheur, responsable du CESU, doit être interrogée. Le responsable du CESU n’a pas de position de hiérarchie au sens administratif. Mais il ne faut pas négliger le rapport naturel du pouvoir qui découle de l’expertise et du rôle ou du statut institutionnel du formateur. Dans cette étude, il existe une relation d’autorité fonctionnelle entre le chercheur et les formateurs, sujets de l’étude. Une vigilance a été apportée face aux risques d’influence. Les entretiens ont été enregistrés puis retranscrits en format texte. Un contrat préalable a été lu à chaque participant. Un guide précise les différentes phases à aborder durant l’interview. Les entretiens ont été arrêtés au stade de saturation.

    Les résultats Onze entretiens ont été menés auprès de six formateurs masculins et cinq formatrices.

    Discussions L’analyse des entretiens des formateurs CESU a mis en évidence différents éléments qu’ils considèrent avoir acquis par leur activité de formation.

    Les compétences en médecine d’urgence La compétence est envisagée ici comme la mobilisation de connaissances cognitives et procédurales, adaptées à la résolution d’une situation complexe en médecine d’urgence. Les formateurs sont des soignants. Ils ont l’habitude de prendre en charge des situations simulées d’urgence, puisqu’ils les enseignent. Cela renforce leur perception de compétence. Bandura (1986) a montré que les croyances relatives aux sentiments d’efficacité personnelle, comptent parmi les déterminants les plus importants de la pensée et de l’action. La perception de sa propre compétence est une première étape de la compétence in situ.

    La posture de formateur dans un service de soin d’urgence L’agir professionnel d’un formateur n’est pas réductible au fait de tenir un rôle, à celui de superviser des activités ou encore de prescrire des règles, mais bien plus à celui d’accompagner un pair en ayant soin de favoriser une relation formative dans laquelle la posture du formateur joue un rôle important (Jorro, 2016). Jorro propose une matrice de l’agir langagier. Le discours des formateurs CESU a été analysé à travers cette grille de lecture et a mis en évidence qu’ils ont un agir de formateur, et ce, pendant leur activité de soin. Tochon (Tochon, 2004) rassemble différentes analyses qui convergent à montrer qu’il n’est plus possible de se contenter d’une définition de l’expertise enseignante qui soit de l’ordre du savoir ou de la pédagogie, mais qu’il faut inclure dans cette définition la compétence des enseignants à intervenir dans les affaires publiques. L’enseignant est un formateur social qui intervient dans la société du fait de son expertise enseignante. L’analyse du discours des formateurs CESU a permis de retrouver ces aspects.

    La prise d’assurance Des formateurs interviennent désormais lorsque les soins ne respectent pas les référentiels. Ces changements de comportement sont rapportés au fait d’être devenu formateur. La prise d’assurance s’exprime aussi par des prises d’initiatives. Ainsi plusieurs formateurs déclarent avoir initié des debriefing. Dans certains cas, le debriefing a été obtenu au prix d’une confrontation hiérarchique. Le soignant intervient dans une posture de formateur social liée à son activité de formateur CESU. Cette position de résistant positif correspond à une compétence du formateur, selon Tochon.

    La réflexivité La formation de formateur a été une découverte de la formalisation de la pratique réflexive. Sa mise en œuvre, lors des AFGSU, les ont rendu familiers de cette méthode. Lorsqu’ils encadrent des étudiants dans les services de soins, ils continuent à utiliser ce qu’ils ont expérimenté dans les temps dédiés à la formation. Leur identité de formateur s’est construite et les guide désormais à enseigner selon ces principes. On perçoit dans les discours des formateurs CESU, qu’ils ont vécu une conversion par rapport à leur manière d’être avant la formation, par rapport à leur identité. Ils ramènent cette modification à l’usage de la pratique réflexive qu’ils se sont appropriés. Cette transformation s’est faite dans le temps et est devenu pérenne.

    La communication relationnelle Les formateurs analysent désormais leurs modes de communication. Il y a donc une prise de conscience de l’importance de la communication, ce qui signifie qu’ils possèdent des outils pour analyser leur relation à autrui. Les formateurs interrogés relèvent, à plusieurs reprises, leur activité relationnelle. Les AFGSU sont animés collégialement et inter-professionnellement. Seule une communication respectueuse et de qualité entre les formateurs permet d’éviter les antagonismes ou conflits. Les formateurs apprennent à s’écouter mutuellement. Clot (Clot, 2014) considère que pour être quelqu’un au travail, c’est-à-dire pour en tirer un minimum de fierté, il faut se reconnaitre dans quelque chose à résoudre, un dilemme de métier. L’existence de points de vue différents peut être une source de développement de l’efficacité et de la santé au travail. Le dialogue et la controverse forment ce qu’il appelle la dispute professionnelle ou, selon un terme médiéval, la disputatio. Sans le mesurer complètement, les formateurs pratiquent cette disputatio. Cela devient tellement intégré dans leurs schémas mentaux qu’ils finissent par le trouver « naturel ». Pour autant, il n’est pas simple d’analyser les enjeux qui se réalisent dans un acte de communication. Ils peuvent être regroupées en deux grandes familles. La première se réfère à une psychologie des processus intrapsychiques ; la seconde à une psychologie des relations (Mucchielli, 1995). Notre travail ne participe pas d’une recherche sur la psychologie de la communication des formateurs CESU et n’optera pas pour une grille de lecture plus qu’une autre. Il s’agit ici de montrer que les formateurs CESU ont finalement appris, durant leurs cursus de formateur, des principes de communication et qu’ils transfèrent des compétences relationnelles, liées à l’activité de formateur, en dehors de la relation pédagogique avec les apprenants.

    Par l’usage des techniques de simulation en santé, les formateurs CESU apprennent à ne pas porter de jugement de valeur sur les individus mais à rechercher l’explication des faits dans un environnement sécurisant pour les apprenants. Cette attitude de respect, refusant le jugement sur l’individu, se retrouve ensuite dans le service de soin. Des formateurs témoignent d’un cheminement intérieur progressif dans le regard porté aux autres, et de l’amélioration de leurs compétences relationnelles. Cette posture relationnelle s’étend aux collègues de travail. Par des exemples concrets, les formateurs illustrent que cette amélioration dans la communication bénéficie aussi aux patients.

    Communication et langage Les formateurs abordent aussi largement la relation par le biais du langage. Le concept de compétence pose problème lorsqu’on s’intéresse à l’action langagière et à la communication (Perrenoud, 2000). Le langage est-il une compétence ou une faculté innée ? À quelles ressources cognitives la pratique de la langue et de la communication renvoient-elles? Quelle que soit la théorie retenue, les formateurs disent avoir progressé et rapportent dans leur vie de soignant une amélioration en terme de communication. Ils signalent que cela porte sur la linguistique, mais aussi sur le comportement langagier, la manière d’appréhender la relation par le biais du langage. Dans le cas des formateurs CESU, l’activité de communication liée au langage ne s’arrête pas à une simple « faculté grammaticale ». Ils produisent des actes de communication différents, à partir de leur expérience et des apprentissages qu’ils ont construits, notamment dans leur formation de formateur. Les formateurs analysent aussi leur vocabulaire. Ils ont compris que certaines formulations étaient délétères et dégradaient la relation. Ils cherchent à faire en sorte d’employer un langage qui soit adapté aux circonstances concrètes de la communication et qui puisse leur permettre d’avancer dans une relation, notamment avec un patient.

    Conclusion Notre enquête s’est intéressée au discours des formateurs sur leur construction de savoirs dans l’activité de formateur et les transferts dans l’activité de soin. Par l’enseignement régulier des AFGSU, ils ont acquis une connaissance cognitive et procédurale qui leur permet d’agir de manière efficace dans le service de soin. Surtout leur posture de formateur les incite à s’engager socialement. Ils modifient leur communication avec leurs pairs et les patients. Une enquête complémentaire serait utile pour évaluer la réalité de ce discours et vérifier les transferts identifiés.