Enseigner les SSE : un outil de résilience
De la formation des militaires à la formation des civils
Les armées ont toujours mis l’accent sur la « préparation opérationnelle », y compris pour les personnels santé.
L’évolution des situations tactiques a nécessité des adaptations dans la prise en charge graduelle des victimes, des gestes les plus simples (garrot) jusqu’au bloc opératoire.
Le « secourisme aux armées » est devenu le « sauvetage au combat » (trois niveaux), marquant ainsi le déport vers le combattant des gestes les plus simples, puis vers les auxiliaires sanitaires qualifiés, les infirmiers ou médecins.
La participation du SSA doit permettre un partage d’expérience dans l’organisation et l’accueil d’afflux massif de victimes. Ces situations fréquentes en opérations extérieures nous ont fait évoluer, depuis le ramassage jusqu’au bloc opératoire (avec l’adaptation des procédures chirurgicales). Le partage d’expérience permet à chacun d’avancer dans ses procédures de gestion de crise, dans un contexte sanitaire différent.
Formation au “damage control” des équipes d’urgence, 5 ans après
Si la France a déjà connu deux vagues de terrorisme islamiste en 1995 et 2012, elle vivra un véritable électrochoc lors des évènements de 2015 et 2016 ; elle est alors confrontée à l’ampleur sans précédent de ces modes d’agressions collectifs particulièrement meurtriers que sont les tueries de masse, les courses mortifères, les prises d’otages et les véhicules béliers. Les équipes d’urgence participant à la gestion de ces évènements vont faire face à des contraintes opérationnelles qui ne sont pas sans rappeler celles des champs de bataille. La prise en charge de ces blessés particuliers fait alors naître de nouveaux enjeux d’acculturation s’appuyant sur l’expérience quasi unique du service de santé des armées (SSA).
Il est important d’identifier et de caractériser ces enjeux, car ils conditionnent la liste des capacités à acquérir pour les apprenants de nos formations à la prise en charge des victimes d’attentats et au damage control. Une fois ces capacités déterminées, le travail de transposition pédagogique peut avoir lieu.
L’évolution de la préparation des professionnels de santé passera, comme sur le terrain, par une courte période de « brouillard de guerre », témoin de la recherche d’expertise et des initiatives locales, dans l’attente des formations de référents, de la publication et de l’appropriation des doctrines, instructions, vademecum, notes opérationnelles encadrant cette préparation des moyens du système de santé. Elle aboutira, pour les CESU, à l’arrêté du 1er juillet 2019, modifiant l’arrêté du 30 décembre 2014, qui étoffe notablement le contenu de l’attestation de formation spécialisée aux gestes et soins d’urgence en situation sanitaire exceptionnelle et qui fixe les objectifs de formation du module « stratégie médicale de damage control ». Elle comprendra une nécessaire adaptation du contenu des formations, avec entre autres le retour en force du garrot et l’utilisation transposée de l’acronyme mnémotechnique SAFE-MARCHE-RYAN, mais aussi une adaptation du matériel d’urgence, des procédures et des modalités d’entraînement et d’exercice.
L’évolution de la doctrine opérationnelle témoignera, elle, de la prise en compte de la sécurité des équipes, de la nécessaire collaboration et organisation interservices.
Ces évolutions permettent-elles d’envisager notre capacité de réponse pour les crises à venir ? La question est difficile. Ce qui est certain, c’est qu’il y a cinq ans, le terrorisme s’est inscrit brutalement en France comme une menace réelle et durable. Et bien que les équipes de secours ne relèvent pas de l’antiterrorisme, elles sont souvent en première ligne. Cette capacité de réponse s’appuiera donc sans doute sur l’anticipation et sur une préparation centrée sur le collectif et la collaboration, afin de penser en profondeur la résilience.
Les formations aux risques épidémiques et biologiques nous ont-elles préparés à la Covid-19 ?
Cette session propose de revenir sur l’organisation des services et la formation des équipes participant à la prise en charge des patients en réanimation tout au long de l’épidémie. Les équipes étaient-elles prêtes ? Les formations préexistantes ont-elles su trouver une place dans les nouvelles organisations ? Les équipes formées au REB ont-elles pu adapter plus facilement et plus rapidement leurs organisations ? Quels outils ont permis d’accompagner l’augmentation du capacitaire d’accueil des patients et, de fait, la formation et la montée en compétences de nombreux personnels médicaux et paramédicaux en urgence ? Ces questions seront abordées par les visions croisées de deux acteurs de réanimation (médical et paramédical) exerçant dans des régions et des services différents.
Se former aux SSE : impact sur notre préparation psychologique
L’évolution de la nature des crises auxquelles les soignants sont aujourd’hui confrontés les encourage à se préparer à des risques nouveaux, volontiers anxiogènes, qu’il s’agisse de la menace terroriste ou de risques sanitaires émergents. La formation aux SSE vise ainsi à se préparer à ce qui ne peut s’anticiper en développant les capacités adaptatives et la réassurance des soignants face à des situations toujours inédites. L’illustration des formations de terrain, dites « opérationnelles » en milieu militaire, s’apparentant au « drill » des combattants, se décline pour le milieu sanitaire en des formations spécifiques. Elles visent à favoriser le sentiment de confiance et d’efficacité personnelle, l’« aguerrissement » technique mais aussi le travail collaboratif. La question soulevée est celle d’un lien entre apprenance et résilience, au sens d’un processus protecteur, voire « salvateur », que constituerait la formation aux SSE, face au désordre que la crise vient provoquer.